
Depuis la fin de la crise sanitaire, sociologues du travail, coachs, managers et directions des ressources humaines s’accordent pour dire que les salariés sont exposés à de multiples changements de leur contexte notamment avec le télétravail, avec des schémas d’organisation en mode présentiel, distanciel, ou hybride qui sont en plein débats “pro and cons” et la vague “quiet thriving” qui tente d’appuyer la prise en compte des besoins d’épanouissement personnel de chacun.
Situation du télétravail à la fin d’année 2023.
Dans la mouvance “Quiet thriving” nous entendons souvent que les nouvelles générations se désintéressent du CDI, motivés par la défense de leurs libertés et la protection de leur vie privée.
Même s’il faut relativiser cette information, ce qui est plus certain est que les jeunes ne projettent pas de faire “carrière” dans la même entreprise. Ils sont motivés par des contrats courts, qu’ils vont challenger en fonction des avantages proposés versus leurs attentes et besoins.
L’URSSAF, selon une étude publiée le 31/07/2023 prenant en compte le statut d’apprenti, constate d’ailleurs que la génération des moins de 30 ans s’oriente davantage vers le statut d’auto-entrepreneur et des “activités peu rémunérées”.
Toujours selon l’URSSAF, 2022 a vu 27,6 millions d’embauches dont 40,9% concernait des travailleurs de moins de 30 ans. 60% d’entre eux ont opté pour le statut autoentrepreneur.
D’autre part, aujourd’hui, le nombre de jours de télétravail est systématiquement abordé en entretien et les opportunités “full remote” sont recherchées.
Cependant la règle moyenne en entreprise est de un ou deux jours de télétravail par semaine, alors que, rappelons le, avant le “COVID” cet indicateur était quasi à zéro partout.
Et le “full remote”, institutionalisé lors des besoins de distanciation sociale, est remis en question dans bons nombre d’entreprises. Les employés “full remote” représentent un peu plus de 10 % des effectifs en moyenne.
Les constats sont sans appel sur les nouveaux recrutements avec des “embarquements” beaucoup plus efficaces des nouvelles recrues.
L’isolement des télétravailleurs pose, particulièrement chez les jeunes embauchés, des problèmes de compréhension du contexte général des entreprises et des “métiers” qui les composent.
De plus, la créativité est plus dynamique et les projets avancent mieux lorsque les parties prenantes échangent en “face à face”.
A noter que la distance demande aux managers à formaliser et suivre des “objectifs” individuels pour s’assurer d’une productivité minimale de tous.
D’ailleurs les pionniers du “full remote” comme Google, Facebook, Amazon, Snap, Uber, Tesla, Dysney font revenir les équipes au bureau avec plus ou moins de pertes et fracas.
Chez AMAZON, les tensions sont si fortes qu’aujourd’hui il est demandé aux salariés qui ne peuvent pas respecter un minimum de 3 jours sur site de quitter l’entreprise…
Chez TESLA Elon MUSK a rappelé que “Toute personne qui souhaite faire du travail à distance doit être au bureau pour un minimum (et je dis bien un minimum) de quarante heures par semaine ou quitter Tesla”.
Chez Dysney, les arguments mis en avant par le patron Bob IGER, sont que “Rien ne peut remplacer la capacité de se connecter, d’observer et de créer avec des pairs, qui vient du fait d’être physiquement ensemble” et il incitait les équipes à venir travailler en présentiel “les journées du lundi au jeudi”.
Chez ChatGPT, Sam Altman a qualifié le télétravail de “pire erreur commise par l’industrie technologique”. Et la vague inclue même Zoom, une des leader de la visioconférence, qui demande à ses employés d’abandonner le principe des réunions en ligne et de revenir au bureau.
Dans tous ces cas de figure, les arguments avancés semblent être ceux de la productivité.
Ainsi une enquête du Forum mondial de l’OCDE auprès de dirigeants et employés de 25 pays met en lumière le fait que plus on augmente le télétravail, plus la productivité baisse.
Selon une analyse réalisée par Upgraded Points, certaines personnes (13%) déclarent ne travailler que trois ou quatre heures par jour lorsqu’elles sont à distance.
Une étude menée par l’université de Stanford indique que les travailleurs pensent améliorer leur productivité en distanciel (environ 7 % de plus) alors que leurs managers pensent à l’inverse qu’elle est plus faible (environ 3,5 % de moins).
Au final, l’analyse faite par Stanford, à l’issue de plusieurs études, montre une réduction de la productivité de 10 à 20 %.
Ces pertes de productivité s’expliquent selon l’étude de Stanford par des difficultés de communication et de coordination du travail et de la diminution de la créativité, mais aussi la discipline et à la maîtrise de soi.
Selon Upgraded Points, lorsque les gens travaillent à distance, ils passent du temps devant leur écran à des activités non professionnelles telles que faire défiler les réseaux sociaux (75 % des gens), faire des achats en ligne (70 %), regarder des émissions ou des films (53 %) et planifier des voyages (32 %) ou inversement loin de leur ordinateur pour effectuer des tâches ménagères (72 %), faire des courses (37 %), faire la sieste (22 %), aller chez le médecin (23 %) ou boire un verre (12 %).
Une étude Invitation Digital Ltd sur 1989 employés de bureau du Royaume-Uni a mis en avant le fait que 79 % des salariés interviewés ne se trouvent pas productifs et l’étude évalué à 2 h 53 min, soit moins de 3 h la capacité productive des salariés.
Toutefois les nouveaux modèles de travail vont perdurer bien entendu.
L’étude menée par l’université de Stanford confirme par ailleurs que le taux de travail à distance à doublé tous les 15 ans et le rythme devrait augmenter.
Aujourd’hui, le mode hybride s’installe durablement avec environ 30 % des employés qui vont au bureau deux ou trois jours par semaine.
Et apparait la tendance de la semaine de 4 jours qui est notamment défendu par une étude de la Texas A&M University du 02/08/2023 sur ScienceDaily, et qui montre que les employés sont moins productifs au travail en fin de journée et surtout en fin de semaine.
Rien d’extraordinaire dans les résultats de cette étude qui montre que le “deep work” doit être privilégié le matin, à la fraiche…
Entre juin et décembre 2022, plus de 60 entreprises du Royaume-Uni, employant environ 3 000 salariés ont expérimenté la semaine de quatre jours. Les chercheurs des universités de Cambridge et Boston College qui étaient à l’origine de l’étude ont conclu à l’époque que « la grande majorité des entreprises sont satisfaites du maintien de la performance et de la productivité » et qu’elles ont constaté une baisse du stress et des arrêts maladie chez les salariés.
Chez Accenture, depuis le 1er juin 2022, on peut, si on le souhaite, « flexer » un jour de la semaine sans perte de salaire.
On peut ainsi organiser sa semaine de travail sur quatre jours et rare sont ceux qui y ont gouté et qui pourrait revenir à un mode conventionnel de 5 jours imposés.
Ainsi, c’est une manière d’attirer des milliers de jeunes diplômés qui, face à leur capacité d’atteindre leur objectifs, décident de “flexer” ou non.
Dans tous les cas, cette possibilité d’organisation a un impact sur le volume de candidature reçues assure Jacqueline Haver Droeze, directrice des ressources humaines (DRH) du groupe.
Rien de novateur comme mesure comme le rappelle la philosophe Céline Marty : « Dans les années 1970-1980, c’est le concept de “week-end de trois jours” qui est débattu… jusqu’à ce que la réforme des 35 heures ne lui coupe l’herbe sous le pied. »
Dans tous les cas, actuellement la balance est dans le camp des candidats et les employeurs doivent montrer, au delà d’une rémunération attractive, des conditions de travail plus souples.
L’évolution est toujours en marche.